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Les sols : des alliés discrets contre les îlots de chaleur urbains

Une déambulation citadine typique du samedi après-midi vous fera certainement marcher sur différents types de revêtements : asphalte, béton, pavés et dalles de pierre. Et cela nous semble aller de soi. Mais, toujours à l’occasion d’une balade en ville, avez-vous eu récemment l’occasion de poser le pied sur une surface plus naturelle, ou du moins, moins minérale ? La réponse est très certainement non !

S’il a permis le développement d’une multitude de nouvelles infrastructures et activités, l’aménagement des villes qui a prévalu au cours du dernier siècle nous a aussi entièrement coupé de nos sols. Et nous nous y sommes habitués. Dans notre imaginaire collectif, le sol n’est désormais qu’un substrat pour la forêt et l’agriculture.

Des aléas toujours plus intenses

Le tournant du 21e siècle a toutefois changé la donne. Impossible en effet de nier les effets du réchauffement climatique, d’autant plus en milieu urbain : les thermomètres s’affolent sur des périodes de plus en plus longues et, lorsqu’il pleut, les précipitations battent chaque fois de nouveaux records d’intensité, transformant nos rues en torrents de montagne (Cassis le 01.09.2025) et nos parkings souterrains en piscines couvertes dans lesquelles les voitures flottent comme de simples jouets de bain (Valencia 2024).

Mais quel rapport avec les sols ? Souvent oubliés, nos discrets compagnons s’avèrent pourtant de très précieux alliés dans nos efforts d’adaptation aux effets du changement climatique en ville.

Dans cette série d’articles mensuels, nous nous pencherons tout d’abord sur les différents services que les sols peuvent fournir dans le contexte du changement climatique. Nous nous intéresserons ensuite aux stratégies de végétalisation mises en œuvre par les collectivités publiques ainsi qu’aux multiples politiques publiques dont dépendent les sols et dont les buts peuvent s’avérer contradictoires. Enfin, nous questionnerons l’opportunité de recourir à de nouvelles technologies pour reconstituer des sols qui ont mis des siècles à se former.

De la Libération de Paris à la pleine terre

Ce premier article nous emmène sur l’un des lieux les plus emblématiques de Paris qui a été au centre des événements historiques les plus marquants de ces derniers siècles : le parvis de l’Hôtel de Ville. Sur près de 2500 m2, soit environ un quart de sa surface totale, cet espace, jusqu’alors complètement minéralisé, abrite désormais une véritable forêt urbaine (chênes chevelus, charmes communs, mais aussi micocouliers Julian et féviers d’Amérique, entre autres). Près de 1000 m2 de cette nouvelle zone de verdure sont plantés en pleine terre.

Cette réalisation fait suite à de nombreuses autres interventions menées par la capitale française et qui s’inscrivent toutes dans le cadre de son plan climat, lancée en 2024. Son objectif est ambitieux puisqu’il vise, notamment, la création de près de 300 hectares de verdure d’ici 2040, dont 30 d’ici 2026 (1).

Cet exemple illustre parfaitement une tendance de fond observée dans toute l’Europe, de Barcelone à Copenhague : la végétalisation des espaces urbains comme outil de lutte contre les îlots de chaleur qui, petit à petit, rendent les villes littéralement invivables.

Accumulation vs. réflexion

Comment ça marche ? Pour répondre, convoquons l’effet d’albédo et tentons de le simplifier : plus elle est foncée, et minéralisée, plus une surface accumulera la chaleur du soleil. À l’inverse, la même surface, mais végétalisée cette fois-ci, va réfléchir la lumière du soleil et ne conservera pas, ou moins, la chaleur. Tentez l’expérience par vous-même : un sol végétalisé présente des écarts de températures conséquents avec son voisin bétonné, jusqu’à 8 degrés de moins.

Les îlots de chaleur ne sont donc pas une fatalité et les collectivités publiques, on le voit avec l‘exemple de Paris, disposent des outils pour remédier à l’héritage du tout à l’asphalte.

Une chaleur qui a un coût

Les enjeux vont largement plus loin qu’une simple question de confort et d’esthétique citadine. Il est véritablement question de santé publique.

En janvier 2024, l’EPFL a ainsi publié une étude (2) basée sur la situation qui prévaut dans 85 villes européennes. L’analyse met en évidence les risques respiratoires et cardio-vasculaires induits par les îlots de chaleur. À Genève, par exemple, l’étude arrive à la conclusion que les îlots de chaleur urbains peuvent entraîner quatre décès supplémentaires pour 100’000 habitants par an.

Et puisque l’argument économique est souvent celui qui détermine l’action publique, l’étude de l’EPFL quantifie les coûts en matière de santé engendrés par les îlots de chaleur : les chercheurs l’estiment à 192 euros par adulte et par année.

Ce chiffre est particulièrement intéressant lorsqu’on le compare à un autre, le coût moyen de la plantation (réussie) d’un arbre en milieu urbain. Celui-ci s’élève à environ 3200 euros, en tout cas dans le contexte de réalisations conduites en Suisse.

On réalise ainsi vite que le coût de l’inaction dépasse largement les investissements nécessaires à une politique d’arborisation bien planifiée, dont les bénéfices (des espaces durablement rafraîchis) se répercuteront sur le long terme.

En plus de nous nourrir et de permettre à nos forêts de s’épanouir, les sols constituent donc l’incontournable socle sur lequel la végétalisation de nos agglomérations va pouvoir se développer. Ils sont donc des auxiliaires incontournables dans nos efforts pour rendre les centres urbains plus agréables et, à plus long terme, tout simplement vivables.

Stockage et absorption

Nous publierons prochainement un prochain article qui lèvera le voile sur une autre qualité essentielle de nos sols : leur faculté à absorber et infiltrer les eaux pluviales.

 

(1) https://www.paris.fr/pages/plus-vite-plus-local-plus-juste-le-nouveau-plan-climat-de-paris-25469

(2) https://www.nature.com/articles/s41467-023-43135-z

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